Dans un arrêt du 23 novembre 2022, la Cour de cassation s’aligne sur la position de la CJUE : le temps de déplacement d’un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients peut, sous conditions, être reconnu comme du temps de travail effectif. En conséquence, il peut entrer dans le décompte des heures supplémentaires.
En principe, le temps de déplacement pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. Cependant, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière (C. trav., art. L.3121-4). La question se posait particulièrement pour les salariés itinérants qui n’ont par définition ni lieu de travail habituel ni temps normal de trajet domicile/travail.
La Cour de justice de l’Union européenne a jugé que l’interprétation de la Directive 2003/88 mène à considérer que dans la mesure où les salariés itinérants n’ont pas de lieu de travail fixe ou habituel constitue du temps de travail le temps de déplacement consacré aux déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites du premier et du dernier client désignés par leur employeur (CJUE, 3e ch., 10 septembre 2015, aff. C-266/14, Federación de Servicios Privados del sindicato Comisiones obrera).
Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, un salarié commercial itinérant se rendait chez ses clients à l’aide du véhicule mis à disposition par son employeur. Au cours de ses trajets automobiles, ce salarié exerçait ses fonctions commerciales habituelles à l’aide de son téléphone professionnel en kit main libre. Une partie de ses communications téléphoniques professionnelles avaient lieu sur le chemin qui le menait de son domicile à son premier client puis de son dernier client à son domicile, sans faire l’objet d’une rémunération. Ce travailleur itinérant a demandé le paiement d’un rappel de salaire à titre d’heures supplémentaires correspondant à ses temps de trajets de début et fin de journée professionnelle. La cour d’appel a jugé que ces deux trajets correspondaient à du temps de travail effectif : l’employeur a donc été condamné au paiement d’un rappel de salaire.
Tenant compte du droit de l’Union européenne, la Cour de cassation prend désormais en compte les contraintes auxquelles les salariés sont réellement soumis pour déterminer si le temps de trajet des travailleurs itinérants constitue ou non un temps de travail effectif.
En cas de litige, le juge devra vérifier si, pendant ce temps de trajet, le salarié itinérant doit se tenir à la disposition de l’employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles. Si tel est le cas, ce temps de trajet devra être pris en compte dans le temps de travail effectif, notamment au titre du décompte des heures supplémentaires réalisées. Dans le cas contraire, le salarié itinérant ne pourra prétendre qu’à la contrepartie financière ou sous forme de repos prévue par l’article L.3121-4 Code du travail, lorsqu’il dépasse le temps normal de trajet entre son domicile et son lieu habituel de travail.